Vivian Maier

Article original le 2 avril 2015, mis à jour le 8 mai 2015

L’histoire de cette photographe et de sa découverte est digne d’un scénario extraordinaire.

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Vivian Maier, self-portrait, 1955

A Chicago, fin 2007, un jeune agent immobilier, John Maloof, qui veut écrire un livre historique sur le quartier de Portage Park, achète aux enchères un énorme lot de négatifs, de rouleaux et de quelques clichés datant des années 1950-1960. Déçu, il ne trouve pas de photos du quartier en question. Il laisse tomber quelques mois, puis se replonge dans les cartons. Les tirages retiennent son attention : des photos de rue fortes, belles, bien composées…

Nulle part n’apparaît le nom du photographe. Il lui faudra plus d’un an pour trouver une vieille enveloppe au fond d’un carton avec le nom de l’auteur de ces clichés : Vivian Maier.

Intrigué, il se prend au jeu de cette mystérieuse quête. En avril 2009, en tapant son nom sur Google, il tombe sur un avis de décès et apprend qu’elle vient de mourir deux jours plus tôt, le 21 avril 2009. Il va ensuite consacrer son temps à  reconstituer le parcours de cette femme inconnue du public.

Vivian Maier est née à New York en 1926. Sa mère est d’origine française, et Vivian a vécu en France une partie de son enfance. Elles sont revenues aux Etats-Unis en 1938. Vivian repartira en France un an ou deux dans les années 50, puis s’établira à Chicago à l’âge de 30 ans, comme… bonne d’enfants.

Vivian Maier, 1954, NYC
Vivian Maier

Mais elle passe tout son temps libre, un Rolleiflex pendu à son cou, à photographier dans la rue. Seule. Autodidacte, elle apprend en s’exerçant, sans l’aide de personne. Elle développe rarement ses photos, ne les montre pas, ne les vend jamais. Elle capte des adultes et des enfants de toutes les classes sociales, dans un style qui rappelle le courant humaniste, mais qui montre aussi les êtres avec leur failles et leurs faiblesses.

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Vivian Maier, July 1959, France

Depuis 2009, John Maloof a continué sa quête, rencontré des dizaines de personnes ayant connu Vivian Maier, contacté des galeries, organisé des expositions, publié des livres, créé un site internet… qui est resté un certain temps sans une seule visite. Il a alors eu l’idée de poster un fil de discussion sur flickr en octobre 2009, ce qui lui a valu un énorme trafic.

En 2011, Télérama publie un article sur « le mystère Maier » dans lequel on trouve la reconstitution partielle de la vie de cette photographe.

Depuis, des dizaines d’articles fleurissent sur le net…

Vivian Maier, autoportrait , octobre 1953, NYC

John Maloof a également réalisé en 2014 un film « A la recherche de Vivian Maier »  qui a fait partie des cinq nominés pour l’Oscar 2015 du meilleur film documentaire.

Il a pu rassembler environ 90% du travail de cette photographe, les 10% restants ayant été racheté par Jeff Goldstein, qui a aussi créé un site :  http://www.vivianmaierprints.com/

Je connaissais certaines photos de Vivian Maier, et je pensais vraiment, au vu de la qualité de son oeuvre, qu’elle avait été reconnue de son vivant.

Au delà de cette histoire incroyable, il faut juste se plonger dans les rues de Chicago (et d’ailleurs) à travers  le regard de Vivian Maier, et apprécier les scènes de vie, les portraits candides, ce magnifique témoignage de cette longue période qui va des années 50 aux années 80 (Vivian Maier a beaucoup photographié en noir et blanc mais aussi en couleur sur la fin de sa vie). Elle n’a pas développé une grande partie de ses travaux, n’ayant même plus les moyens de continuer à louer les box où étaient conservés toutes ses pellicules et ses négatifs… Cela pose d’ailleurs le problème de son intention photographique : si elle l’avait pu, quels clichés aurait-elle choisi ? comment aurait-elle tiré ses noirs et blancs ?

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Vivian Maier, NYC 1954

Intriguée moi aussi par cette histoire hors du commun, j’ai visionné récemment le documentaire de John Maloof (que l’on trouve maintenant en VOD). C’est fascinant. Ce film donne des pistes de compréhention, mais pose encore plus de questions qu’il ne donne de réponses. Pourquoi était-elle si réservée, si solitaire, pourquoi conservait-elle non seulement ses négatifs (plus de 100 000), ses pellicules non développées ( presque 3000 rouleaux dont un tiers en couleur) mais aussi des films, des cassettes audio et des tonnes d’autres souvenirs dérisoires ?

 Vivian Maier semble n’avoir partagé avec personne son obsession photographique de son vivant, ce qui reste pour moi un énorme mystère… J’ai eu bien du mal à trouver une citation de cette photographe.

Dans le fim, on l’entend cependant dire sur un enregistrement personnel  :

“Well, I suppose nothing is meant to last forever. We have to make room for other people. It’s a wheel. You get on, you have to go to the end. And then somebody has the same opportunity to go to the end and so on.” – Vivian Maier

Même cette citation parait bien étrange…

Il est difficile de jouer à « à la manière de » avec l’une de mes photos, je n’ose pas m’attaquer à ce monument… Allez, je tente quand même :

vitrine

N’hésitez pas à visiter le site officiel et ses portfolios,  c’est un vrai bonheur !

Auteur : esther FR

Accro à la photo, je partage tout ce qui touche à cette passion, et de plus en plus la photographie de rue.

18 réflexions sur « Vivian Maier »

  1. J’ai vu son expo et un interview de cette photographe en novembre dernier au Salon de la Photo à Paris dont elle était l’invitée. C’est une belle dame du haut de ses 90ans, toujours aussi vive dans son expression, sa façon d’expliquer la photo à son époque… bref ce fut un moment de bonheur que de l’écouter.

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    1. Bonjour Bougon. Je crois qu’il y a confusion sur la photographe. Vivian Maier aurait bien près de 90 ans aujourd’hui… sauf qu’elle est décédée en 2009. Je suis donc curieuse de savoir de quelle photographe tu parles…

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  2. Très intéressant effectivement et surtout très intriguant ! Qu’elle n’ait pas eu l’opportunité ou le courage au cours de sa vie de présenter quelque part ses photos est dur à croire et pourtant ! D’autant plus que ses clichés sont très beaux ! Je me demande combien il y a de grands photographes qui n’ont pas été découverts, toutes ces sublimes photos que l’on ne verra jamais car elle ne doit pas être la seule dans ce cas !

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  3. A lovely article about a photographer you like Esther. I don’t know much about Vivian Maier, only what I have heard, and I haven’t seen the film yet.

    The Google translation is not very good, so when you say the quote « seems very strange » it comes over as nonsensical in English, add to this it always translates « her » to « his ». I must brush up on my French.

    Recently I was shooting in Cardiff when a lady asked me why I was doing it. I explained about Street Photography. She replied « I understand, I saw a documentary on a lady that did that in America and never printed any of her photos. Really interesting. » This shows her work appeals to so many people.

    Excellent article Esther.

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  4. Sorry for the google translation, I know it is often confused. It’s a little miracle that this guy, J. Maloof, had been so interested in her work, and let it know to the entire world. It’s nice you had this chat with the lady in Cardiff. I hope one day I will be able to be more confident to talk with people I shoot. I do it sometimes but I’m always afraid to bother them.

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    1. Merci Soizic. J’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir et relater une petite partie de l’histoire de cette photographe inconnue de son vivant. Je ne me lasse pas de regarder ses photos, il faut dire qu’il y en a un sacré paquet, et encore, tout n’a pas été publié…
      Bonne journée à toi

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  5. Bel article as usual quand j’ai vu le film l’année dernière après mes quelques mois de photos outre l’histoire absolument extraordinaire, j’ai été très marqué par son œuvre dont on ne voit à priori qu’une partie. Le personnage est mystérieux et peut être ambiguë mais après tout peu importe, l’œuvre dépasse son auteur. Si j’osais je comparerais ça à l’art brut en arts plastiques. Ces artistes créaient indépendamment des mouvements et des chapelles sans se soucier de l’accueil ou du regard des autres. Il y aussi un côté accumulationniste chez elle qui peut être un symptôme de trouble psychique.
    De toute façon c’est une artiste et à ce titre elle voit autrement et nous donne à voir.

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    1. Je suis d’accord avec ton analyse. Cette accumulation d’objets fait effectivement penser à des troubles psychiques, que je n’ai pas voulu qualifier dans mon article car après tout ce qui compte, c’est son oeuvre photographique. Et son regard.

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  6. I haven’t seen the movie yet but I really want to. I think Vivian Maier is a fascinating woman and it’s too bad that we will never know her true story. I remember reading in an article once that she didn’t become a nanny because she loved children so much but because it was a job. I’d also be curious to know which of her photographs that she would have chosen to publish is she had been able to receive recognition in her lifetime.

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  7. Yes, Tina. In the movie, we can see that she became a nanny because it was a job where she was able to go outside everyday, much more than in an office or a factory. And the statements of the children she took care of are very different from one to another. It is another mystery.
    I think J. Maloof try to develop the rolls and negatives based on the printing pictures she had done. Anyhow it is an amazing photography work…

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